Ron Arad au Sénégal : le griot du design
Il a toujours été une expérience risquée, guettée par les spectres de l’exotisme et du tourisme, d’un colonialisme qui se voudrait innocent mais qui n’échappe pas aux fatalités de l’économie glacée et des hiérarchies qu’elle génère. Moroso a toujours semblé digne : elle a été l’une des toutes premières à considérer le continent oublié par la révolution industrielle, et aussi par le design, entendu en ce sens. Sans entrer sur ce terrain dans le débat qui voudrait distinguer précisément l’artisan et le créateur industriel, on voudra y lire la tentative de repérer d’autres mots et des mélodies différentes, capables d’animer la création. Couleurs, lectures, dessin, facture. Et peut-être assez précisément aussi, c’est une figure spectaculaire du design que Moroso invite pour fêter son heureuse initiative : le designer israélien et britannique Ron Arad (elle est d’ailleurs la seule à lui être tranquillement fidèle). Dans les pièces produites par Arad à Dakar, on trouvera l’acier qui lui est cher, et encore les torticolis de la matière qu’il affectionne. Un fauteuil au design serpentin, baroque artisanal, attrapant dans ses courbes la fantaisie d’une culture qui ignore encore la machine, où la main côtoie l’exploit enchanté. Un trône de roi ou la chaise roulante d’un invalide lancé à vive allure?