Beauté

Tom Pecheux : "la mode et la beauté demeurent à mon sens indissociables"

À l’occasion de la présentation de sa première collection de maquillage, Yconic Purple, l’illustre make-up artist et directeur international de la beauté d’Yves Saint Laurent, Tom Pecheux, s’est confié à Jalouse.
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Vous avez collaboré avec les photographes et les maisons de mode les plus prestigieuses, qu’est-ce qui vous a donné envie de rejoindre YSL Beauté en tant que Global Beauty Director ?

Quand j’ai commencé dans la mode, en 1995, peu de maisons françaises faisaient rêver, à de rares exceptions près. J’ai tout de suite été très attiré par l’opulence et la richesse créative de la maison Yves Saint Laurent et par l’ouverture d’esprit de son créateur, cela a été un déclencheur fort. Yves Saint Laurent a toujours eu la faculté de nous faire voyager à travers ses créations : une saison en Russie, celle d’après en Chine, au Maroc, tantôt chez les bourgeois, tantôt en immersion chez les punks revisités… Il y avait toujours quelque chose de nouveau par rapport aux autres maisons, et c’est l’un des facteurs qui m’ont convaincu de collaborer avec la marque.

Vous vous destiniez au départ à une carrière de pâtissier. Ce goût pour le travail des aliments a-t-il eu un impact sur votre carrière de make-up artist ?

Mon goût pour la pâtisserie, pour l’association de saveurs qui donne quelque chose d’unique et de meilleur, j’ai tenté de le transposer à la beauté. Ensuite, en tant que Parisien, je ne me déplace qu’à scooter. Il a donc toujours fallu que mon sac de maquillage, très lourd et imposant, soit réduit au nécessaire, et transportable sur un deux-roues. Ces deux facteurs ont fait que j’ai développé un goût particulier pour le mix des matières et des couleurs. On a beau avoir un nombre infini de produits, on n’a jamais la bonne teinte, il faut donc mélanger, expérimenter, ce que de nombreuses femmes n’osent pas faire, malheureusement. On s’approprie alors la teinte et les pigments, ce n’est plus la couleur qui s’impose à vous.

Vous avez contribué à réduire les frontières entre mode et beauté. Comment faire perdurer cette vision globale à l’heure où ces univers sont de plus en plus indépendants ?

Quoi qu’il arrive, tout ce que j’ai accompli était toujours un travail d’équipe. La mode et la beauté demeurent à mon sens indissociables : si j’ai inclus du violet, du cognac et du blanc dans ma collection automne-hiver, ce n’est pas que par goût personnel, c’est parce que cela correspondait pour moi à un véritable fil conducteur de l’histoire de la maison Saint Laurent. De nombreuses références ont nourri mon travail, comme la robe Iris, inspirée à Yves Saint Laurent par un tableau de Van Gogh, ainsi qu’une robe sublime imaginée par Anthony Vaccarello lors de son premier défilé pour la maison.

L’univers de la beauté est en pleine révolution numérique, quel regard portez-vous sur cette nouvelle génération de beautistas biberonnées à Youtube et à Instagram?

Je suis très partagé à ce sujet. J’ai mis mon compte Instagram en sommeil depuis six mois après une sorte d’overdose. En établissant le pour et le contre, j’ai trouvé beaucoup de points négatifs. Sur Instagram, il y a toute une partie de tutoriels que je trouve créatifs, innovants et passionnants, auxquels j’adhère complètement. Et on a aussi un tas de personnalités et de maisons de cosmétiques qui créent de nouveaux diktats, tendent à uniformiser la beauté et encouragent les jeunes femmes à se détester. Elles s’appliquent 5 centimètres de maquillage sur le visage et finissent par toutes se ressembler.

Les muses d’hier et d’aujourd’hui qui nourrissent votre travail ?

Pour cette collection, deux femmes m’ont fortement inspiré, et cela se ressent dans les deux visuels de campagne avec Edie Campbell et Staz Lindes. Deux femmes que je trouve très Saint Laurent et vraiment fascinantes avec leur allure unique : Betty Catroux, la muse iconique de monsieur Saint Laurent, et Kate Moss, qui m’est très chère. C’est une femme de goût et d’une irrévérence totale et, à mon sens, c’est vraiment ça qui définit le mieux la femme Yves Saint Laurent Beauté.

Les rencontres qui vous ont marqué ?

Kate Moss, Madonna, Lady Diana, Naomi Campbell, Christy Turlington, Mario Testino, Peter Lindbergh, Paolo Roversi, Anthony Vaccarello, Tom Ford, et évidemment monsieur Saint Laurent… parmi tellement d’autres ! C’est précisément ça qui devrait faire rêver les gens dans ce métier : pas le bling-bling ni le fric, mais les rencontres avec des personnalités uniques, le partage avec ces talents d’une grande générosité. Malheureusement, je trouve que cela se perd, notamment avec les réseaux sociaux : on est dans la surenchère du “regardez-moi”, on partage faussement son intimité pour se mettre en valeur, c’est dommage.

Les trois produits indispensables à toujours avoir avec soi ?

Il n’y a pas de produit précis, mais plusieurs familles de produits incontournables : un soin efficace, un excellent fond de teint et un anti-cernes, pas nécessairement de poudre car j’aime les peaux un peu glowy. Un mascara, aussi. Au même titre que je pense qu’il faut mélanger les teintes pour personnaliser ses looks, je crois que le secret d’un maquillage réussi réside dans un équilibre maîtrisé entre sophistication et matières brutes

Le faux pas make-up qui vous horripile ?

L’uniformisation de la beauté. C’est justement ce que je trouve génial dans la mode en ce moment. Même si il y a tout et n’importe quoi et même beaucoup d’horreurs, tout le monde a le droit d’exister. Je prône la même chose en beauté, et je me bats activement contre les looks prédéfinis et uniformes qui font que tout le monde finit par avoir les mêmes traits.

Les destinations qui vous inspirent ?

L’eau sous toutes ses formes partout sur la planète, aussi bien la mer que dans les lacs et les glaciers.

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