Le caftan au fil du temps
C’est la période où le “khaftane” d’origine persane est introduit dans l’Orient musulman, plébiscité par les califes abbassides, puis par les Omeyyades, dont l’empire s’étend alors de l’Indus à la péninsule ibérique, de Damas à Cordoue, transmettant ainsi les goûts orientaux au cœur des cours andalouses. Il se retrouve au gré des caravanes commerciales, réinterprété selon les influences perses, mogholes, vénitiennes, ottomanes, slaves ou andalouses.
Trois siècles de présence ottomane ou byzantine expliquent certaines influences sur les caftans algériens ou tunisiens. Ainsi, en Algérie, un caftan est une veste à ornements sans manches, portée principalement lors des cérémonies de mariage, dont les broderies évoquent les traditions ottomanes que l’on retrouve encore aujourd’hui distillées sur les créations d’Oujda.
Sous l’Inquisition espagnole, le royaume mauresque de Grenade disparaît, poussant ses artisans à traverser le détroit de Gibraltar pour se réfugier au Maroc. À Fès ou Rabat, leur savoir-faire arabo-andalou se mêle alors aux traditions berbères pour fonder une esthétique nouvelle, à l’origine du caftan marocain actuel.
Sous l’Inquisition espagnole, le royaume mauresque de Grenade disparaît, poussant ses artisans à traverser le détroit de Gibraltar pour se réfugier au Maroc. À Fès ou Rabat, leur savoir-faire arabo-andalou se mêle alors aux traditions berbères pour fonder une esthétique nouvelle, à l’origine du caftan marocain actuel.
Durant cette période, les dames de l’aristocratie française sont fascinées par l’Orient et par là même le caftan. Lorsque la traduction des Mille et Une Nuits paraît, elles se passionnent pour les “turqueries”, terme désignant à l’époque les costumes orientaux. Madame de Pompadour sera d’ailleurs immortalisée en caftan, à la manière d’une sultane.
Au Maroc, on dénombre quatre grandes régions déclinant l’art du caftan selon leurs traditions. On distingue grossièrement le Chameli, le Fassi, le Meknassi et le R’bati. Quant aux coupes, elles se différencient principalement entre les modèles de Fès, où le caftan est long et droit, et ceux de Tétouan, où il est court et ample. La tradition juive se retrouve dans le caftan de Fès, brodé de fils d’or (n’taâ). Les subtilités entre les régions s’expriment à travers de multiples spécificités. Par exemple, à Fès, on peut citer lebsa dial joher, robe pour princesses mauresques, andalouses ou encore kairouanaises tandis qu’à Marrakech, le caftan révèle une inspiration afro-berbère.
C’est la date à laquelle les Turcs s’emparent de Constantinople et délaissent leur mode de vie itinérant pour la sédentarité d’un empire vastz de l’Algérie au golfe Persique, de l’Autriche aux confins de la mer Rouge. Ils abandonnent le confort du “caftan manteau“ pour un habit plus opulent, inspirés par l’Empire perse voisin. Confectionné par les artisans ottomans réputés jusqu’en Europe, ce vêtement est alors désigné par l’Académie française comme une “robe de distinction en usage chez les Turcs” que “le Grand Seigneur envoie aux personnes qu’il veut honorer”.
Certains affirment déceler dans les manches des Hans de Chine les prémices du caftan. Manteau court ouvert sur le devant porté par les cavaliers d’Asie centrale - trait d’union entre l’Orient et l’Occident -, il est ensuite adopté par plusieurs peuples nomades qui l’enrichissent à leur tour de leurs couleurs et autres spécificités. De peuple en peuple, apprécié pour son allure, le caftan est alors progressivement adopté dans toute la région du sous-continent asiatique, voire au-delà, notamment à la faveur d’échanges commerciaux.
En Occident, l’ère de la colonisation suscite une certaine curiosité pour l’Orient et ses mystères. Écrivains, peintres et artistes se penchent sur cette culture différente et ses costumes, dont le caftan, présents à travers certaines peintures de l’époque comme les reflets d’un orientalisme subjuguant.
La culture bohème et le courant hippie s’intéressent aux broderies typiques, au travail artisanal et au costume “folklorique” marocain. Ce “kaftan”, plus proche de la gandoura, à la fois décontracté et synonyme d’un certain exotisme, s’exporte jusque dans les éditos mode des magazines internationaux, capturé par Irving Penn ou Helmut Newton. Les créateurs, comme Lanvin en 1967, Oscar de la Renta la même année, ou Yves Saint Laurent qui fera des robes traditionnelles et autres influences berbères le leitmotiv de ses collections, stylisent à l’envi leur vision néo- orientaliste vestimentaire marocain.
Le caftan marocain entame une nouvelle ère de créativité avec la fondation de la Maison Tamy Tazi qui entreprend son renouveau. Révisant les coupes classiques sans dénaturer l’essence du vêtement, la créatrice imagine le motif chbika, inspiré par la randa, une dentelle appliqué sur les chemisiers masculins, qui deviendra sa marque de fabrique.
Désormais cantonné aux grandes occasions, le caftan est exploré par bon nombre de couturiers marocains qui tour à tour l’allègent, l’agrémentent de broderies inventives, déclinent les manches sous plusieurs formes, jouent sur les tailles de mdammate, s’essayent à des fusions multiples, mis en avant par différents évènements et les éditoriaux mode des magazines... Parmi tous les caftans vus de par le monde à travers l’histoire, le seul qui perdure aujourd’hui est le caftan marocain, porté essentiellement au Maroc et par sa diaspora.