Xander Pratt : « Plus je passe de temps au Maroc, plus je comprends pourquoi j’y suis ! »
Il est arrivé un peu par hasard au Maroc il y a deux ans et en est tombé amoureux. Xander Pratt, d’origine du Ghana avait avant cela vécu entre autres à Bali et en Australie. Nomade artistique, il puise dans chacun de ses longs séjours à travers la planète, une inspiration différente qu’il garde, arrose et regarde pousser. Au Maroc, ces inspirations lui viennent des couleurs, du bruit, des gens et même du vent. Interview avec un ovni de la création, atterri au Maroc pour y rester.
Comment êtes-vous arrivé au Maroc et pourquoi êtes vous resté ?
Je suis venu au Maroc dans un premier temps pour créer ma ligne de prêt-à-porter. Le fait que ce soit un Royaume m’a beaucoup intrigué et a titillé mon imagination. Vivre ici a fait de ma vie une aventure, bien au delà de ce à quoi je pouvais m’attendre. Il y a d’abord eu le challenge de la langue, qui s’est révélé être tout sauf une barrière. En fait, plus je reste au Maroc plus j’intègre pourquoi j’y suis : pour créer et arroser les graines enterrées à des lieux insoupçonnés.
Que préférez vous dans la musique ?
La musique pour moi est un art profond, un de ceux que l’on ne peut expliquer dans son entière dimension. Quand j’écris ou produis des mélodies, j’entre dans un état hors du temps et j’accède à un champ ininterrompu d’inspirations. Les mélodies arrivent de très loion, comme un son lointain puis le volume augmente peu à peu et tout à coup je les entends fort et distinctement. C’est un processus proche du divin, chaleureux et exponentiel.
Et la photographie ?
Le temps est un concept à l’opposé du statique. Le passé, le présent, le futur sont en mouvement perpétuel autour de nos vies. La photographie permet de geler ce mouvement, le temps, une émotion et laisse l’imaginaire se libérer des enclaves de la réalité. J’apprends continuellement des images que je produis, parce qu’elles sont plus que des images justement pour moi; elles ont un message que j’essaie de décrypter à chaque regard. L’image est une perception de l’extérieur qui ouvre une porte vers un impact intérieur, ce dialogue entre les deux nous permet de plonger plus profondément dans l’océan qu’est l’introspection. Et plus nous plongeons profondément, plus haut nous en sortons grandi.
Et enfin la mode ?
C’est l’exact opposé de ce que je ressens pour la photographie : c’est une expression extérieure de ce qui se passe en intérieur. À travers la mode je peux porter mes pensées, altérer la perception de qui je suis d’un jour à l’autre. Et puis, être « aux commandes » de ce que porte l’autre c’est une volonté et une capacité de comprendre profondément cet autre. Pour moi la mode est l’armure moderne qui évolue avec son temps. Ma mère m’encourageait quand j’étais enfant à assumer mes gouts vestimentaires, même s’ils étaient opposés à ceux des autres enfants. Cela m’a permis d’apprendre à repenser mes choix, à prendre des risques. Et c’est encore de cette façon que je créé mes collections aujourd’hui.
Être plusieurs artistes en un demande t-il de pouvoir diviser son inspiration entre les différents domaines ?
J’ai fini par comprendre avec le temps que je ne suis pas la même personne qui se réveille chaque matin après cette petite mort que l’on appelle le sommeil. Chaque matin pour moi est une réelle renaissance, une métamorphose. Si je ne suis pas la même personne tous les matins, il y a tout de même un fil rouge qui lie tous ces personnages entre eux, qui pour moi est la mémoire. Certains jours je vais avoir une envie dévorante d’écrire, d’autres la musique va venir à moi très naturellement et à d’autres moments je vais ressentir une obsession pour la transformation d’un tissu. Ce qui maintient toutes ces envies en un bloc commun est l’imaginaire et le besoin de transformer la réalité. Je crois que c’est le rôle d’un artiste.
Y a t-il un art de ce que vous pratiquez que vous préférez ?
Ils vivent tous en moi de façon égale. Le ciel n’a pas de nuage préféré. Je les vois comme les couleurs qui forment le même arc-en-ciel.
Casablanca est le personnage principal de votre nouveau titre, pouvez-vous nous en dire plus sur elle ?
Le premier battement de cœur que j’ai ressenti de Casablanca était vibrant. Beaucoup appelle ça du bruit, moi j’ai voulu décrypter ce bruit, m’élever au dessus de lui. Au delà de son effervescence, il y a une énergie de création incroyable dans cette ville.
Je suis heureux d’avoir moi même pu plonger mon pinceau dans la matière première qu’est Casablanca et en peindre sa lumière dans cette chanson et le clip.
Cependant, vous êtes basé à Marrakech, quel personnage de votre vie est-elle ?
Marrakech est extraite de l’espace temps comme on le connaît. Elle effile le temps et permet ainsi de chercher l’inspiration, explorer des idées, les mettre en place…Elle est capable d’apaiser l’esprit. La couleur de ses murs est enchantante et elle est un réel chemin pour moi vers mon inspiration. Elle est majestueuse, fière, ses réponses sont vraies si les intentions de l’artiste le sont aussi.
Avez-vous un type de look préféré ?
Encore une fois, cela dépend de quel Xander se réveille. Mais il y a une pièce qui me plaît en toute circonstance c’est le kimono, surtout les jours où il y a du vent. Le vent qui est l’une de mes plus grandes inspirations. Il y a aussi la cape, qui me donne l’impression d’entrée dans ma version « royale ». Et enfin mes sandales spartiates, qui viennent souvent finir ma tenue, quelque soit l’inspiration du jour.
Il y a t-il un endroit que vous aimez plus que d’autres à Casablanca ?
Oui, j’aime beaucoup la corniche. C’est ce que j’ai vu et visiter en premier en arrivant ici donc j’en garde un beau souvenir.
Et à Marrakech ?
Cela serait La Source, c’est là bas que j’ai été confiné et j’ai pu y créer à l’infini.
Quels sont vos plans pour l’avenir ?
J’ai la forte croyance que l’art et la musique seront le pont qui unifieront l’Afrique. Puis dans un second temps l’Afrique au monde. C’est en tout cas ce que j’essaie de construire en tant qu’artiste.
En art, il y a une exposition qui arrive à Marrakech, basée sur un concept futuriste. C’est l’histoire d’un astronaute (moi) qui explore des réalités alternatives. Le nom du prjet artistique est DIDO pour « Day In Day Out ». Cela sera une experience immersive qui combinera des réalités diverses et chacune d’entre elles contient une chanson que j’aurais écrite.
Côté mode je prépare une collection qui est une fusion entre le tissu, la terre et le métal qui invoque les chaînes qui entravaient les esclaves africains. Ici ces chaînes seront symbole de force et non de captivité.
En musique j’ai terminé mon album « Train to Marrakech » pour lequel chaque clip met en valeur une région différente du Maroc. Cet album est une histoire visuelle qui allie musique et images.
Et enfin, je vais lancer mon parfum sur lequel je travaille depuis 16 mois. Il est enfin accompli et sera disponible en mars.
