LA VAGUE DE SIARGAO
La vague enfle, gonfle, gronde en bleus cobalt puis se braque, explose en blancs éblouissants. Une silhouette s’en détache, presque frêle vue de la plage, déliée, sombre, élégante. C’est une surfeuse qui se joue des éléments. Sa combinaison est noire. On devine son regard, précis, concentré sur l’onde. Une philippino, telle une déesse sortie des eaux du Pacifique.
L’île de Siargao à quelque 800 kilomètres de Manille n’en finit plus d’attirer les amateurs de planches fartées du monde entier. Australiens et Canadiens, Français, Allemands ou Californiens se retrouvent ici sur l’un des plus beaux sites de surf au monde. Il faut dire que la région présente quelques avantages : 48 ilots posés entre la mer de Chine et l’Océan Pacifique, des barrières de corail en veux-tu en voilà et plus de quinze spots de glisse répartis le long du littoral. Le magazine Conde Nast Traveler l’a décrétée capitale du surf des Philippines. Dès les années 80, les stars du genre se rendaient à la pointe de General Luma, rouleaux puissants, écume fracassante, où l’on admire les artistes au bout d’une jetée de bois qui s’enfonce dans la mer. Plus au nord, moins couru, est un infime village posé sur une plage de sable blanc, Pacifico, où la mer peut se vouloir calme ou vociférante. D’autres surfeurs encore iront faire leur plein de sensations vers Rock Island à bord d’une pirogue à balancier, y jouir de la houle, seuls ou presque.
Au coucher du soleil, bars et restaurants s’emplissent de blondes sculpturales, d’athlètes tatoués. La nuit y est festive, goûteuse, musicale.
Au lever du jour, on embarque sur une pirogue motorisée, file vers le banc de sable de Naked Island, repart vers Daku, une île tropicale où crabes géants et autres crustacés se dégustent au milieu de plateaux de fruits tropicaux, de ceviches locaux. Puis c’est la mangrove, filant à perte de vue, les grottes marines de Tayangban, où l’immersion est miraculeuse…
LES RIZIÈRES DE BATAD
Aux Philippines, la montagne est tropicale. La route en lacets semble grimper à n’en plus finir. Le regard du voyageur se perd dans les villages croisés ici et là, toits de tôle et jardins potagers dessinés telles des œuvres d’art, les rizières en plateau de Banaue qui filent jusqu’à l’horizon, infini. Les tuk tuk colorés où s’entassent femmes, enfants et gallinacées, une chèvre parfois, enchainent des virages surréalistes le long des gorges. Quelques dizaines de nids de poule plus tard, le bus, forcément tout terrain, compte tenu de la voie cabossée, stoppe. Il faut abandonner l’engin motorisé et entamer la randonnée. En se félicitant d’avoir opté pour de bonnes chaussures… La balade est agréable, ni violente, ni aisée. En chemin on croise des hommes chargés tels des mules, de sacs et de parpaings, de troncs d’arbres et de paniers, qui montent et descendent le sentier à l’allure de sportifs sérieusement entrainés. Puis le chemin s’arrête au bord d’une terrasse.
Apparaît Batad, son village aux toits rouge et vert, ses rizières qui plongent en un ensemble de terrasses superposées, vers un cirque où alternent les cultures et le reflet des nuages dans une multitude de pièces d’eau, véritable kaléidoscope façonné par l’homme. On comprend le classement du site au patrimoine mondial de l’humanité tant le spectacle est majestueux. Des étals faits d’un rien proposent quelques tee-shirts siglés « I survive Batad », et ce n’est qu’au soleil couchant que l’on en saisit le sens après avoir arpenté ces rizières en espalier du sommet jusqu’au tréfonds du cratère, à descendre et remonter des marches de 30 à 50 centimètres de hauteur quelques heures durant. Envoûtés, tout simplement envoûtés par ces paysages d’une poésie rare.
FLOWER POWER A SAGADA
La nuit passée, les courbatures oubliées, en route vers Sagada, village montagnard qui connut son heure « Flower Power » lorsque quelques voyageurs chevelus des années soixante vinrent y trouver refuge, bien loin du continent américain. Les artistes suivirent et sur les terrasses de jardins, près des fleuristes installés en plein air, sévissent quelques traces d’un « Revival » très San Francisco : dessins, peintures, bracelets et colliers d’un autre moment, d’un autre continent…
Pourtant, à quelques dizaines de mètres de là, derrière un cimetière témoin de la longue présence espagnole en ces terres, on se sent bien au cœur des Philippines, face aux cercueils accrochés à dos de montagne, vestiges de la culture animiste du pays.
Il faudra revenir c’est sûr, pour tenter d’en savoir un plus sur les 7000 îles qui constituent ce pays au sourire charmeur, à la cuisine heureuse, toute en douceur, aux paysages inconnus, enchanteurs.