JOAILLERIE & HORLOGERIE

Haute joaillerie : en quoi la collection "Magnitude" de Cartier est-elle exceptionnelle ?

Londres, Shoreditch Town Hall. Immersion grisante chez Cartier pour la présentation de Magnitude, la nouvelle collection de haute joaillerie.
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On aurait tort de trop identifier la haute joaillerie à l’oisiveté de quelques sheikhas vivant recluses dans des palais grandissimes, voire à l’ambition de Chinois milliardaires en mal d’émotion. "La haute joaillerie est un secteur rentable pour la maison Cartier et représente une part appréciable de notre chiffre d’affaires", dit Cyrille Vigneron, CEO. "C’est à la fois une pérennité et un exemple magistral de la capacité de la marque à se réinventer. Faut-il rappeler qu’avant d’être un train de vie, le luxe est un talent ? Cet artisanat virtuose fait travailler des centaines de personnes. Et puis, la haute joaillerie a un rôle essentiel, l’essence même de sa précieuse nature : nous faire rêver !"

Comme souvent chez Cartier, c’est la pierre qui détermine le bijou. Les gemmes les plus exceptionnelles que la Terre peut nous fournir sont magnifiées par ce qu’il y a de plus exceptionnel dans la main de l’homme. Voilà une bonne définition de la haute joaillerie. Magnitude n’échappe pas à la règle. La collection propose des combinaisons particulièrement audacieuses de pierres précieuses et de pierres dures ornementales. Corail, malachite, agate, diamants pour la bague Aphélie, par exemple. Du jamais vu. Beaucoup d’opales et du quartz rutilent, un cristal de roche brut remarquable par les aiguilles dorées qu'il contient… d’une "brutalité", avouons-le calmement, toute relative. C’est une exception de la nature absolument magnifique. Quitte à rêver autant le faire franchement !

«Plus exactement, c’est ce que la pierre révèle de mystère et d’éclat qui détermine les lignes conductrices lors de la création du bijou. En fait, le joaillier est au service de la pierre et le bijou vient en quelque sorte s’articuler autour d’une ou plusieurs gemmes spectaculaires.» Pierre Rainero

Gemmes à la folie

Cartier, disait Jean Cocteau, qui fait tenir, magicien subtil, de la Lune en morceaux sur du soleil en fil. Et c’est bien d’éclat dont il s’agit avec la collection Magnitude. Le choc des matières ! Le diamant rehausse le quartz, le saphir s’allie à l’opale matrix (une opale très expressive qu’on ne trouve qu’en Australie), l’émeraude côtoie le cristal de roche, le diamant rose s’associe à la morganite et au corail. Les gemmes, côte à côte, dialoguent – et, avec elles, l’opacité et la transparence, le minéral et le très précieux, les couleurs franches et changeantes, la Terre et la lumière. Le dessin des bijoux traduisant la puissance de cette confrontation.

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Collier Théia Platine, sept émeraudes de Colombie (46,09 cts), cristal de roche sculpté, onyx, laque noire et diamants, Magnitude Cartier, 2019. © Vincent Wulveryck/Cartier

C'est la pierre qui détermine le bijou ?

"Plus exactement, c’est ce que la pierre révèle de mystère et d’éclat qui détermine les lignes conductrices lors de la création du bijou", dit Pierre Rainero, Directeur de l’image, du style et du patrimoine chez Cartier. "En fait, le joaillier est au service de la pierre et le bijou vient en quelque sorte s’articuler autour d’une ou plusieurs gemmes spectaculaires." Le collier Théia, par exemple, déesse grecque fille d’Ouranos (le Ciel) et de Gaïa (la Terre), est construit autour d’un ensemble rare de sept émeraudes de Colombie de taille ronde. Des gemmes connues pour leur délicatesse, que les joailliers de Cartier ont déposées au cœur de motifs nivelés en cristal de roche parfaitement ajustés. Contre la peau, l’arrière du cristal a été facetté. Un secret du créateur, invisible en apparence, qui démultiplie l’éclat des émeraudes. Géométrie, effets d’optique, brillance : le dessin emprunte ses codes à l’art cinétique, qu’il s’agisse des contrastes de couleurs ou de la maîtrise de la transparence. Et l’onyx noir opère sur le quartz comme une ponctuation autour des émeraudes. Le pendentif du collier peut être porté en broche ou mis sur une chaîne dans la tradition Cartier des pièces transformables. Zemia est aussi un bracelet emblématique de la collection, car il semble prendre plaisir à chahuter les harmonies envers et contre tous les clichés. Son "cœur" est une opale matrix (d’un poids de 77,27 carats !), un caillou fascinant dont le pouvoir tellurique d’évocation a déterminé l’ensemble du bijou. Cette pierre dure est entourée de saphirs précieux bleus et violets, de grenats et de diamants. Un paysage qui se décline dans des tonalités de brun rocheux, de bleus aquatiques et d’éclairs violets. Aux couleurs puissantes et à ces contrastes forts s’ajoute la subtilité des tailles : le rond, le facetté, le pulpeux des briolettes et l’éclat givré des diamants taille brillant. Une prouesse technique de joaillier pour un bijou mobile, animé, qui bruisse au poignet.

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Bracelet Zemia Or gris, opale matrix d’Australie (77,27 cts), saphirs violets (14,39 cts), saphirs, grenats (briolettes) et diamants, Magnitude Cartier, 2019. © Vincent Wulveryck/Cartier

Bien sûr, la question que tout le monde se pose est : qui peut s’acheter de tels joyaux ?

Chez Cartier, le secret règne en maître. Aucun nom ne sera donné, aucune personnalité ne sera trahie. Tout juste sait-on que, seule, une poignée de client(e)s, peut-être deux mille dans le monde, se disputent les pièces uniques d’une collection de haute joaillerie. Et, en général, tout est vendu les deux ou trois premiers jours après présentation. On me dit, out of the record, qu’il y a deux clientes belges répertoriées… "Le marché de la haute joaillerie, c’est la planète", dit Pierre Rainero. "Il en a toujours été ainsi. On distingue deux motivations majeures à l’achat de haute joaillerie. Le pouvoir d’achat. Il faut un certain degré de fortune pour pouvoir s’acheter de tels bijoux, c’est indéniable. Et la culture de l’objet. Plus exactement il faut avoir le désir d’insérer ce type d’objet précieux dans son mode de vie. Tous les gens (très) fortunés n’ont pas la passion des très beaux bijoux. Car il y a quelque chose de passionnel dans le fait d’acheter une pièce de haute joaillerie. Et le côté spéculatif est finalement nettement moindre de ce qu’on pourrait penser (…) Le propos de Cartier n’est absolument pas la spéculation sur la valeur des pierres précieuses. Notre registre est l’exploration créative. C’est la vocation même de la maison. Ce qui nous caractérise, c'est le style, l'œil que nous avons sur la création, l'expansion sans fin des champs d'inspiration. Jamais il ne me viendrait à l’idée de dire à quelqu’un : 'Achetez ce bijou parce que le prix du diamant va augmenter.'"

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Bague Yuma Platine, diamants jaune-brun fancy deep (4.21 cts), diamants jaunes, plaques de diamant jaune, diamants taille brillant, Magnitude Cartier, 2019.

Les bijoux de haute joaillerie sont-ils souvent portés ?

"Oui. En tout cas pour la majorité d’entre eux. Un bijou réussi, un beau bijou, c’est un bijou porté. Un bijou doit vivre. Avouez que ce serait dommage qu’il reste dans un coffre ! Bien entendu, ils n’en sortent qu’à de rares occasions, parfois très anodines. J’ai appris qu’au Moyen-Orient, par exemple, des épouses de potentats arabes s’organisent des déjeuners entre elles, en toute intimité, durant lesquelles elles portent leurs plus beaux atours (...) On dit même que certaines clientes ne supportent pas le fait que tel ou tel joyau ait déjà été porté, ne serait-ce qu’une seule fois, par une actrice à Cannes ou lors de la Cérémonie des Oscar."

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© Thiemo Sander/Cartier

Existe-t-il un lien (direct) entre la haute joaillerie Cartier et les collections de bijoux plus accessibles ?

"Le lien, c’est le style. Et le style est la vision que Cartier a du bijou porté par une femme en sachant que les circonstances de porter un bijou peuvent être très différentes. On ne conçoit pas une bague de la collection Clash (à porter au quotidien) comme on concevrait une bague de haute joaillerie. Ce n’est absolument pas le même propos."  En haute joaillerie, outre la rareté des pierres, le travail d’atelier est essentiel. Les ateliers de haute joaillerie Cartier (en tout 60 personnes) apparaissant comme un modèle du genre. Une fois le bijou parfaitement dessiné, une maquette est établie, modelée puis retravaillée à la lime et à la fraise électrique. Le métal précieux est ensuite coulé par un  procédé de fonte à la cire perdue et l’exécution du bijou est réalisée par le lapidaire qui saura en tirer le meilleur parti. Ici, on peut toujours revenir en arrière. Si une pièce ne répond pas à tous les critères de qualité exigés, on démonte le bijou et on le refait pour arriver au résultat escompté. Le savoir-faire est tellement exceptionnel qu’il n’est absolument pas transposable dans la fabrication de bijoux en série. "Chez Cartier, on ne ‘‘décline’’ jamais une collection haute joaillerie en lignes de bijoux plus accessibles." Bien entendu, ce niveau d’exigence agit positivement sur toute l’image de la marque.

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