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Visite guidée: Un Louvre à Abu Dhabi

Premier musée du monde arabe conçu comme une institution universelle, le Louvre Abu Dhabi se veut multidisciplinaire et ouvert sur le monde, explorant toutes les facettes de l’humanité à travers le prisme de ses différentes cultures et civilisations, de la Préhistoire à nos jours.
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C'est incontestablement l’événement culturel et architectural de l’année. Après des débuts difficiles et des retards dans les financements et les travaux, le Louvre d’Abu Dhabi, annoncé pour 2012, vient enfin d’ouvrir ses portes le 8 novembre dernier sur l’île de Saadiyat (“la Félicité”), le nouveau hub de la culture des Émirats arabes unis. Né de la volonté de ses dirigeants de préparer l’avenir dans la perspective de l’après-pétrole en s’appuyant sur une politique de développement de la culture et de l’éducation, ce projet colossal est le fruit d’un accord intergouvernemental conclu il y a dix ans entre les Émirats arabes unis et la France pour développer le premier musée universel du monde arabe. Signé le 6 mars 2007, cet accord établit le Louvre Abu Dhabi comme institution indépendante, et inclut le prêt du nom du Louvre pour une période de 30 ans et 6 mois, l’accès à l’expertise curatoriale et à la formation prodiguée par 17 institutions partenaires françaises, ainsi que les prêts de 13 musées français et institutions culturelles de renom pour une période de 10 ans. Pour autant, ce nouveau musée n’est en rien une copie du Louvre parisien au Moyen-Orient, mais une institution originale riche de son propre fonds, qui offre une présentation muséographique inédite en mettant en lumière les thèmes universels et les influences communes entre les civilisations à travers la mise en regard d’œuvres majeures issues de différentes cultures et civilisations couvrant tous les pans de la création artistique des origines de l’art depuis la Préhistoire. Et jusqu’au plus récent de la création contemporaine, en présentant aussi des œuvres photographiques, figuratives et abstraites du XXe et XXIe siècles. C’est cette approche originale, dont la finalité est de célébrer l’histoire commune de l’humanité, qui distingue le Louvre Abu Dhabi de la plupart des institutions muséales dont le parcours propose souvent un classement par styles ou civilisations.

Un projet architectural virtuose

Outre l’originalité de sa présentation, c’est bien entendu son bâtiment qui focalise tous les regards. L’architecte Jean Nouvel, lauréat du prix Pritzker 2011, s’est inspiré de la culture architecturale arabe traditionnelle conjuguée aux techniques de pointe pour concevoir ce musée considéré comme l’un des projets les plus novateurs et les plus complexes réalisés ces dernières années à travers le monde. Pensé comme une ville-musée surplombant les eaux turquoise du golfe Arabique, l’ensemble se compose de 55 bâtiments blancs liés entre eux, inspirés des médinas arabes et des constructions basses traditionnelles, en partie abrités sous un spectaculaire dôme en dentelle d’acier de 180 mètres de diamètre, visible depuis la mer mais aussi depuis les quartiers environnants et la capitale émiratie. Soutenue par 4 piliers seulement dissimulés au sein des bâtiments, cette canopée d’argent, aussi lourde que la tour Eiffel, se compose de 8 strates de métal qui s’entrecroisent en une savante composition géométrique visible de l’intérieur comme de l’extérieur, formant 7 850 étoiles qui, au gré de la progression quotidienne du soleil et des rayons qui les traversent, créent à l’intérieur un effet saisissant de “pluie de lumière”, l’une des caractéristiques architecturales déterminantes du bâtiment. Toutes les salles d’exposition - 26 au total - sont d’ailleurs conçues de façon à recevoir une lumière naturelle filtrée, provenant soit de fenêtres latérales d’où l’on apprécie les échanges incessants entre le soleil, la coupole, la mer, la terre, les bâtiments; soit en éclairage zénithal, par l’entremise de 17 plafonds faits de 18 types de verre différents qui permettent de combiner des systèmes d’éclairage naturels et artificiels afin de fournir une lumière optimale pour les œuvres exposées.

Une collection à ambition encyclopédique

Débutée en 2009, la collection du Louvre Abu Dhabi réunit déjà plus de 620 chefs-d’œuvre et artefacts de premier plan qui vont des pièces archéologiques aux objets d’art décoratif, aux sculptures néo-classiques, aux peintures des maîtres modernes et aux commandes contemporaines. En 2014, lors de la présentation à Paris d’une sélection de la collection d’Abou Dhabi, on pouvait admirer à la fois une statuette égyptienne en bronze du dieu Osiris, un Shiva dansant en bronze de l’Inde du Sud et une Bible gothique à côté d’un Coran syrien du XIIIe siècle. Pour l’année d’ouverture, 235 œuvres issues de la collection propre du Louvre Abu Dhabi sont présentées aux côtés de 300 œuvres majeures prêtées par 13 des plus grands musées français dans les 6 400 mètres carrés des galeries permanentes, le long d’un parcours muséographique divisé en 12 chapitres. Parmi ces prêts, La Belle Ferronnière, de Léonard de Vinci (1452–1519) du musée du Louvre, un autoportrait de Vincent Van Gogh (1853–1890) du musée d’Orsay et de l’Orangerie, une rare salière en ivoire du royaume du Bénin prêtée par le musée du quai Branly–Jacques Chirac, un Globe de Vincenzo Coronelli (1650–1718) de la Bibliothèque nationale de France et Femme debout II, d’Alberto Giacometti (1901–1966), provenant du Centre Pompidou. Le Louvre Abu Dhabi a également conclu un partenariat avec d’importants musées et institutions culturelles du monde arabe qui ont consenti des prêts prestigieux. Parmi les œuvres venues des Émirats arabes unis et des musées régionaux, citons un pendentif précieux daté de 2 000–1 800 avant J.-C., un vase peint datant du néolithique et découvert sur le site – vieux de 8 000 ans – de l’île de Marawah, au large d’Abu Dhabi (National Museum of Ras Al Khaimah), une figurine à deux têtes vieille de huit millénaires, la Statue Ain Ghazal, conservée au Département des antiquités de Jordanie. De son côté, le Musée national du sultanat d’Oman a prêté plus de 400 dirhams en argent de la première période islamique, un rare brûleur d’encens fait d’une conque marine datant du XIIe au XIVe siècle, une jarre en poterie mésopotamienne du Xe siècle et un vase en pierre dont la datation est estimée à 300 avant J.-C.–400 ans après J.-C.

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Au carrefour des civilisations

Intitulée D’un Louvre à l’autre : Naissance du musée du Louvre, l’exposition inaugurale, qui ouvre le 21 décembre 2017, retrace la naissance du musée du Louvre à travers les collections royales du XVIIe siècle versaillais sous Louis XIV ; le Louvre au temps de l’Académie et des Salons ; et la genèse du Louvre en tant que musée moderne. L’exposition rassemblera près de 170 peintures, sculptures, objets d’arts décoratifs et autres pièces maîtresses issues des collections du musée du Louvre et du Château de Versailles. Le Louvre Abou Dhabi deviendra-t-il un symbole national à l’image de ces monuments de la culture française ? C’est en tout cas la volonté des Émirats arabes unis qui souhaitent transformer Abou Dhabi en une place culturelle majeure dans le monde reliant les continents et rendre l’image d’une monarchie absolue compatible avec un tourisme culturel et de luxe censé garantir la survie des neuf millions d’habitants de ce pays pétrolier. Ce Louvre qui émerge aujourd’hui des sables est en effet le premier d’une série de musées sur l’île de Saadiyat. Suivront un Guggenheim Museum dédié à l’art contemporain réalisé par Frank Ghery, le Zayed National Museum consacré à l’histoire des Émirats imaginé par l’architecte Norman Foster et un musée maritime signé Tadao Ando. Le Louvre Abu Dhabi ne sera pas le centre du monde, mais, renouant avec le glorieux passé de la région, bel et bien un carrefour d’échanges entre les civilisations.

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